La Communauté internationale baha'ie accueille avec satisfaction le remarquable travail réalisé par M. Leandro Despouy, rapporteur spécial, dans le cadre de son étude sur les droits de l'homme et l'invalidité. À notre avis, l'étude de M. Despouy apporte une contribution importante aux efforts déployés sur la voie d'un plus grand respect des droits fondamentaux de l'homme et des personnes handicapées.
Dans la communication écrite que nous avons présentée au titre de ce point à la Sous-commission lors de sa trente-huitième session, distribuée sous la cote E/CU.4/Sub.2/1985/NGO/3, nous donnions l'avis des Bahá'ís sur la discrimination qui frappe les personnes handicapées, ainsi que sur la question du placement en institution. Dans la présente communication, nous aborderons un autre thème, qui figure dans l'étude de M. Despouy, à savoir les droits économiques, sociaux et culturels qui concernent les personnes frappées d'incapacité.
Outre le fait qu'ils sont en butte à une discrimination ouverte dans de nombreux secteurs de la vie quotidienne, les handicapés se heurtent à des obstacles particuliers lorsqu'ils veulent réaliser pleinement leurs possibilités de contribuer à la vie économique, de sociale et culturelle la société. Il est évident que ces personnes ont des besoins particuliers, auxquels il faut répondre pour leur permettre d'exercer les droits auxquels ils peuvent prétendre, mais la question de la réadaptation va au-delà des soins de santé primaires. La réadaptation exige la mise en place d'un milieu social de soutien où la personne handicapée puisse acquérir des compétences, utiliser ses talents et participer à la vie de la société au maximum de ce que lui permet son handicap. Telles sont les raisons pour lesquelles nous approuvons pleinement la déclaration que fait M. Despouy dans son rapport préliminaire, à savoir que "la manière la plus efficace d'atténuer les effets de la situation actuelle est d'assurer la pleine et égale participation des personnes handicapées dans tous les domaines de la vie sociale".
Par exemple, dans le domaine de l'éducation, les établissements préscolaires, primaires et secondaires pourraient prévoir des programmes spéciaux destinés à aider les enfants handicapés à étudier malgré leur handicap, et il faudrait mettre à leur disposition des moyens qui leur permettent de participer à ces programmes d'enseignement, notamment des services de transport. Ces programmes devraient dans toute la mesure du possible être intégrés au programme général d'enseignement, afin que les enfants handicapés ne soient pas, sans raison, isolés des autres enfants ni socialement stigmatisés. Il est capital que les enfants handicapés apprennent à se considérer comme des membres actifs de leur groupe d'âge, et qu'ils soient considérés comme tels. De plus, il est essentiel d'obtenir la participation et le soutien actif des familles au processus d'éducation, comme nous allons le voir plus en détail ci-dessous.
Il faudrait que les programmes d'enseignement, non seulement aident les enfants handicapés à faire face aux problèmes pratiques dus à leur incapacité, mais cherchent aussi à développer leurs talents et leurs dons particuliers. Il faudrait en particulier offrir aux enfants handicapés la possibilité de mettre en valeur leurs talents naturels, car développer leurs talents et leurs aptitudes est l'un des plus sûrs moyens de les valoriser à leurs propres yeux, de leur donner confiance en eux-mêmes grâce à leurs réalisations, et aussi de les faire contribuer au bien-être de la société.
L'une des plus grandes difficultés que rencontrent les personnes handicapées pour faire valoir leurs droits a trait au droit - et au devoir- de travailler. Trop souvent, la société classe les handicapés dans la catégorie de ceux qui ne peuvent pas travailler et dont l'aptitude au travail est amoindrie, ou les cantonne dans un rôle de dépendance passive. Il est indéniable que toute personne handicapée a des limites qui restreignent les options professionnelles qui s'offrent à elle. Mais son invalidité peut souvent être surmontée, et peut orienter le choix d'une activité de manière à utiliser les atouts de la personne. De plus, les Bahá'ís ont la conviction que le travail est une forme d'adoration et un moyen de s'épanouir sur le plan spirituel. Par conséquent, le droit de travailler au service des autres hommes est un droit fondamental pour tous. Il est particulièrement important pour les personnes handicapées de pouvoir occuper un emploi rémunéré et socialement utile, car, en raison de leur infirmité, elles risquent facilement de se sentir socialement inutiles. Par conséquent, il faut leur offrir des moyens spéciaux d'acquérir des compétences qui leur permettent de se présenter sur le marché du travail, peut-être grâce à des programmes de formation spécialement conçus à leur intention, et on devrait aussi leur donner la possibilité d'utiliser leurs compétences dans des lieux de travail qui leur soient accessibles et favorisent leur intégration totale.
Un droit social qui est particulièrement important pour les personnes handicapées est le droit à la liberté de religion. Il faut noter que les infirmités sont un rappel de la fragilité de notre existence et de notre condition mortels - rappel que les membres de la société préfèrent ignorer. La religion peut jouer un rôle majeur en aidant la personne handicapée à comprendre le sens spirituel de sa vie, à voir son infirmité sous un angle positif, et à reconnaître que son incapacité physique ou mentale n'altère pas nécessairement son caractère essentiel d'être humain. Les Bahá'ís pensent que la religion doit être libérée de toute superstition et qu'elle doit vivre en harmonie totale avec le savoir et le progrès scientifique. Il est arrivé trop souvent que des superstitions d'origine religieuse dépassées, stigmatisent socialement ceux qui souffrent d'infirmités, liant implicitement leur infirmité à des forces "mauvaises" et inférieures, ou les associant à la culpabilité. Lorsque la croyance religieuse est libérée de la superstition et s'accorde avec la science, la religion devient une source d'inspiration pour les personnes handicapées et les aide à profiter pleinement des progrès de la médecine, tout en favorisant chez elles l'épanouissement d'une conception positive de la vie qui s'inspire de la reconnaissance de ses fins spirituelles.
Enfin, les Bahá'ís pensent que les familles des personnes handicapées peuvent jouer un rôle capital en les aidant à réaliser toutes leurs potentialités. Avoir le sentiment d'appartenir à une famille et être acceptée par les membres de sa propre famille offre à la personne handicapée l'appui et l'encouragement dont elle a tellement besoin pour acquérir le sens de sa propre dignité et de sa propre valeur. Pour les Bahá'ís, la famille est la cellule de base de la société, c'est dans la famille que se forme la conception que l'enfant a du monde, et c'est là qu'il reçoit sa première éducation. Si l'enfant handicapé reçoit amour, encouragement et appui sincère de la part de sa famille, et qu'on lui inculque parallèlement le sens de sa responsabilité à l'égard de la société, il sera beaucoup mieux préparé à vivre son infirmité d'une manière positive et à contribuer au bien-être de la collectivité. Comme il arrive fréquemment que le handicap doive d'abord être accepté par la famille pour que celle ci puisse offrir affection et encouragement à celui qui est handicapé, il importe que les membres de la famille reçoivent le type d'éducation que nous proposons dans la communication écrite présentée à la Sous-commission lors de à sa trente-huitième session. Une éducation visant à aider les membres de la famille à mieux comprendre la nature de l'infirmité et à apprécier les dons et les talents particuliers de celui d'entre eux qui est handicapé.
Une fois de plus, nous exprimons notre appui à M. Despouy pour le travail très important dont il s'est chargé.